Témoignage Naeyma (54): « Pour beaucoup de muselmans le cancer du sein est encore un sujet tabou »
Diagnostic Traitement AmitiéLe diagnostic du cancer du sein reste un moment poignant pour toutes les femmes du monde, quelle que soit leur origine ou leur religion, comme en témoigne le courage de Naeyma, atteinte du cancer du sein depuis 2014 et musulmane: « pour beaucoup de muselmans le cancer du sein est encore un sujet tabou. »
Je m’appelle Naeyma, j’ai 54 ans et je vis à Anvers depuis déjà 46ans. Je suis femme au foyer et fière grand-mère d'une petite-fille de 20 mois avec laquelle je souhaite profiter de chaque instant.
En mars 2014, j'ai reçu la mauvaise nouvelle qu'il y avait des anomalies sur la mammographie que j'ai subie après la campagne de sensibilisation au dépistage. En tant que musulmane, je n'ai eu aucun problème à faire cet examen. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour nombre d'autres femmes immigrées qui ressentent des difficultés, principalement liées à leur culture et à leur religion. Peu importe que nous soyons quelques générations plus loin et que la plupart des femmes immigrées qui vivent ici sont familiarisées à la société belge, il subsiste encore des femmes pour qui ce sujet représente encore un tabou important. Pour beaucoup d'entre nous, les seins sont encore un sujet très personnel et intime. Les femmes qui ont récemment émigré en Belgique ont encore beaucoup de difficultés. Comme pour tant d’autres aspects, c’est une question d’adaptation.
Après quelques semaines éprouvantes d'examens en tout genre, tels que scanners, une biopsie, des échos, etc., on m'a diagnostiqué un cancer du sein. Cela a été très difficile pour moi et ma vie a bien entendu été complètement chamboulée. Un tel diagnostic est très éprouvant, pour toutes femmes, indépendamment de son origine ou de sa religion. Pour moi, en tant que musulmane, ce n'était pas différent. L'incrédulité, la peur et la panique m'ont envahie. Je me souviens très peu des conversations que j'ai eues avec les médecins parce que je me sentais comme engourdie. Consciemment et inconsciemment, je me suis silencieusement tournée vers Allah pour prier pour ma guérison. L’islam étant au cœur de notre vie quotidienne, je me suis accrochée à cela et en ai tiré ma force.
Ce n'était pas facile de parler de mon cancer avec mes proches. Pour en informer ma famille, j'ai d'abord tout laissé couler. J’en parle le plus facilement avec mes filles, ma sœur et quelques amies proches. J’aborde moins ce sujet avec mon mari. Il n'est pas très doué pour échanger avec une personne malade et les opérations et hôpitaux sont des sujets qui lui sont déjà complètement étrangers. Mais il est sans aucun doute d’une utilité très appréciable dans d’autres domaines. J'ai également choisi consciemment de n'informer qu’un petit groupe de personnes, famille et amis. Je n'aime pas être au centre de l’attention et d’être maternée. Pour moi, cette maladie est et reste un sujet très personnel.
En ce qui concerne mon traitement, j’ai pu immédiatement commencer une hormonothérapie durant 15 mois et j’ai donc été à ce moment épargnée par la chimiothérapie et la chirurgie. Physiquement, je me sentais bien sauf quelques effets secondaires de l'hormonothérapie. Cependant, je compris que ce ne serait qu'une question de temps avant de recevoir d'autres traitements. A certains moments, j’étais submergée d’émotions très fortes et je ressentais de la peur, de la panique et de l'inquiétude face à ce qui m'attendait encore. Entre-temps, cela fait plus de quatre ans que le diagnostic a été posé et on m'a annoncé à deux reprises que le cancer avait progressé. A chaque fois, j'ai essayé de ne pas me laisser décourager, mais ce n'était pas facile. Parfois, lorsque que j’avais un jour ‘sans’, je me sentais également entravées par mes contacts sociaux. Au début des vacances d'été, ma hantise est devenue réalité et j'ai dû subir une mastectomie dont je récupère encore aujourd’hui. Il y a trois ans, j'ai été inclus dans une étude et, bien que la maladie soit stable, je suis toujours suivie.
Le cancer m'a changée. Avec tous les hauts et les bas que j'ai traversés au cours de ces quatre dernières années, je me sens complètement différente. Je suis clairement plus conscient de la vie et de la mort. De plus, les cicatrices physiques auxquelles je suis confrontée au quotidien m’empêchent de nier que quelque chose a changé. Je suis une personne naturellement positive. Spirituellement, je vois cette période comme une épreuve. Après tout, notre religion nous enseigne que la vie est une lutte, que nous sommes constamment mis à l'épreuve et que nous devons surmonter progressivement toutes sortes d'obstacles. La vie n’est pas un long fleuve tranquille et vous devez essayer d’avancer tant bien que mal. Il est également très important de demander de l’aide et de trouver du soutien auprès des autres. Je suis une femme au foyer et, par rapport à beaucoup d'autres femmes qui travaillent à l'extérieur de la maison, j’ai moins l'impression de devoir sacrifier ou remettre des choses à plus tard.
Mes attentes pour le futur sont en réalité très simples. Je prends la vie au jour le jour et j'espère que ma maladie chronique restera stable pour une longue période. Le cancer du sein est un combat de longue haleine et la seule façon de le rendre un peu supportable est simplement de vivre au jour le jour, de profiter de temps en temps et de continuer à espérer des temps meilleurs.
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