À quel point connaissez-vous vos seins ?
Prévention Dépistage Centre d'expertise du cancer du sein19/10/2022 - Six cancers du sein sur dix sont découverts par les femmes elles-mêmes plutôt qu’à la mammographie… et on ne le répètera jamais assez !
De nos jours, plus de huit patientes sur dix survivent à leur cancer du sein – grâce à l’amélioration constante des traitements, bien sûr, mais aussi à un dépistage précoce, puisque les chances de survie sont d’autant plus grandes que la maladie est découverte rapidement. Lorsqu’on parle de détection précoce, on a tendance à penser spontanément d’abord à la mammographie de dépistage, l’examen de population auquel toutes les femmes de 50 à 69 ans sont invitées à se soumettre tous les deux ans.
Il a un impact positif et bien documenté la survie : si 1000 femmes dans ce groupe d’âge choisissaient de ne pas participer au dépistage pendant dix ans, huit d’entre elles seraient fauchées par le cancer du sein. Si elles se soumettent à l’examen, elles ne seront que cinq à décéder et trois vies pourront donc être sauvées. Pour réel qu’il soit, l’impact du dépistage de population reste néanmoins assez modeste et les résultats faux-positifs (la découverte de lésions suspectes qui s’avèrent finalement bénignes) peuvent évidemment donner des sueurs froides à celles qui y sont confrontées. Certaines tumeurs passent aussi entre les mailles du filet et ne sont pas découvertes à la mammographie de dépistage. D’autres se manifestent chez des femmes de moins de 50 ans ou de plus de 70 ans, qui ne sont pas encore ou plus invitées à y participer.
Un effet surestimé
« Il ne fait aucun doute que la mammographie de dépistage a contribué à améliorer la survie », confirme le Pr Jan Lamote, ancien chef de service de la clinique du sein de l’UZ VUB. « Le rôle des femmes elles-mêmes est toutefois plus important encore, puisque six tumeurs mammaires sur dix sont découvertes par la patiente lors de l’auto-examen des seins ou tout simplement par hasard. Il est donc capital d’investir dans la sensibilisation et d’encourager toutes les femmes à examiner régulièrement leurs seins et à connaître les signaux d’alarme. » La recherche confirme que cette vigilance peut sauver des vies. Dans le cadre d’une étude américaine, 361 femmes ayant survécu à un cancer du sein entre 1980 et 2003 ont été interrogées sur la manière dont la tumeur avait été découverte. 43 % avaient remarqué elles-mêmes une petite boule (18 % par hasard, 25 % à l’auto-examen des seins), 43 % avaient été diagnostiquées lors d’une mammographie de dépistage et un peu moins de 14 % avaient été diagnostiquées par un médecin. Deux tumeurs avaient été découvertes par le conjoint et quatre patientes ne se souvenaient plus, au moment de l’enquête, comment leur cancer avait été découvert.
Même parmi les femmes âgées de 50 à 69 ans qui participaient régulièrement à la mammographie de dépistage, c’est la patiente elle-même qui avait tiré la sonnette d’alarme dans 39 % des cas. On peut tirer deux conclusions majeures de cette étude, publiée dans la revue médicale Journal of Women’s Health. D’une part, bien connaître ses propres seins et procéder régulièrement à un auto-examen est capital à tout âge de la vie. D’autre part, la mammographie de dépistage permet d’identifier un nombre conséquent de tumeurs, mais elle ne représente tout de même qu’un peu moins de la moitié des diagnostics précoces… et c’est vrai même dans les pays où la majorité des femmes participent au dépistage de population et se soumettent à une mammographie tous les deux ans, comme la Finlande.
Auto-examen
L’auto-examen des seins à la recherche d’éventuelles masses suspectes n’est plus explicitement recommandé, des études ayant démontré que les chances de survie lorsqu’une tumeur est effectivement découvertes ne sont pas supérieures chez les femmes qui inspectent leur poitrine de façon systématique, par exemple tous les mois après leurs règles. De nos jours, on leur conseille plutôt d’être attentives aux éventuels signaux d’alarme… mais aussi de se palper les seins en quête de masses suspectes. Quelle est la différence entre l’auto-examen et la vigilance ? « Les deux concepts se recoupent, mais avec quelques nuances », explique Jan Lamote. « Dans le cadre de la vigilance mammaire, nous encourageons les femmes à bien se familiariser avec leurs seins en les regardant et en les palpant régulièrement, par exemple après la douche. » L’auto-examen se focalise surtout sur la palpation, avec des instructions bien précises sur la recherche systématique de masses suspectes.
« Réaliser l’auto-examen correctement n’est pas évident, c’est quelque chose qui s’apprend. Connaître les signaux d’alarme et y être attentive est plus simple et moins angoissant », résume l’expert, tout en soulignant qu’il s’agit d’une distinction artificielle qui le dérange un peu. « On peut difficilement défendre l’argument que l’auto-examen est inutile, sachant que la majorité des tumeurs mammaires sont découvertes par la patiente – et bien souvent grâce, justement, à l’auto-examen. Nombre de grands centres d’oncologie continuent d’ailleurs à le recommander dans le cadre plus large de la vigilance mammaire », précise-t-il. « L’impact de cette dernière sur la survie est à peu près impossible à étudier, même s’il ne fait évidemment aucun doute qu’être attentive aux signaux d’alarme est une bonne chose. En fait, il faudrait faire les deux : surveiller ses seins et procéder régulièrement à des auto-examens. Ce sont deux aspects indissociables.
Une attitude à adopter
Pour résumer, on peut dire que la vigilance est une attitude (« connaître ses seins »), tandis que l’auto-examen relève plutôt d’un contrôle rigoureux effectué régulièrement à des moments bien précis (par exemple tous les mois le septième jour qui suit le début des règles) et suivant une méthode clairement définie. C’est surtout ce dernier point que dénoncent les opposants à l’auto-examen, estimant qu’il peut en rebuter certaines mais risque aussi d’alimenter la hantise du cancer. « Dans le passé, les femmes étaient beaucoup moins conscientes de leur corps et notamment de leurs seins », conclut Jan Lamote. « Heureusement, nous avons beaucoup progressé sur ce plan, ce qui leur permet désormais d’être beaucoup plus attentives au moindre changement à ce niveau. »
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