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La rose qui a fleuri au mauvais endroit

Diagnostic Traitement Témoignage

23/11/2022 - Charissa a 38 ans et est assistante en pharmacie. Elle a découvert qu’elle était porteuse de la forme de cancer du sein la plus agressive : la mutation du gène BRCA1. Un verdict qui l’a amenée à prendre d’importantes décisions. Pour chacune d’elles, elle s’en est remise à son instinct. Un réflexe qui lui a sauvé la vie… Le combat que Charissa mène contre le cancer du sein fut pénible et semé d’embûches. Mais même aux heures les plus sombres, une lueur a toujours brillé au bout du tunnel et Charissa en est venue à croire aux miracles. Elle nous raconte son histoire.

«Les chenilles se métamorphosent bien en papillons. Pourquoi pas moi? - Charissa Van den Broeck

Le gène qui a changé ma vie

« J’avais 28 ans quand ma grand-mère a développé son deuxième cancer du sein. Elle avait 82 ans et, comme 40 ans auparavant, elle s’est battue et a gagné son combat. Quelle force et quel courage ! J’ai vécu son combat de près, mais je n’ai pas imaginé une seule seconde que sa maladie puisse être héréditaire. Deux de ses sœurs ont aussi souffert d’un cancer du sein. L’une d’entre elles n’y a malheureusement pas survécu. On a envoyé ma grand-mère au centre de génétique humaine de l’hôpital universitaire de Louvain. Un parcours long de plusieurs mois qui a révélé qu’elle était porteuse de la forme de cancer du sein la plus agressive : la mutation du gène BRCA1. Son fils, mon père, était lui aussi porteur. Il y avait donc 50 % de chances que je le sois aussi. Avais-je envie de le savoir ? Oui, sans aucun doute. Si je restais dans l’incertitude, la question allait hanter mon esprit. J’ai fait une prise de sang en septembre 2013. Deux mois plus tard, maman et moi étions face au professeur, avec une enveloppe blanche entre nous. Je savais ce qu’elle contenait…

Si le test était positif, ma décision était déjà prise : je voulais subir une chirurgie préventive. Fin janvier 2014, j’ai passé une mammographie, une IRM avec produit de contraste ainsi qu’une échographie des seins et des ovaires. La simple évocation de ces examens m’a coupé le souffle. Avant, j’aimais “l’odeur de l’hôpital”. Maman la ramenait presque tous les jours à la maison, mais le fait de devoir y aller pour moi me faisait quand même peur. J’ai gardé à l’esprit que c’était mon choix et mon ressenti, et que je serais soulagée après coup. Après les examens, tout semblait en ordre… jusqu’à ce que je reçoive un coup de fil quelques jours plus tard. L’IRM avait tout de même révélé quelque chose de suspect au niveau de mon sein gauche : je devais repasser une échographie deux semaines plus tard. Les deux semaines les plus longues de ma vie. Je tentais de me rassurer en me disant que si les médecins étaient vraiment inquiets, ils m’auraient fait revenir beaucoup plus vite. J’ai subi une échographie et on a biopsié le tissu suspect. Les résultats devaient arriver 2 ou 3 jours plus tard. »

Le moment tant attendu

« Un soir, juste avant la fermeture de la pharmacie, j’ai reçu l’appel libérateur qui m’annonçait que c’était bénin et que je ne devais pas m’inquiéter. La chirurgie préventive pouvait être maintenue. Un soulagement indescriptible ! C’est aussi à ce moment-là que j’ai su avec certitude que j’avais fait le bon choix en décidant de me faire opérer. Le gynécologue m’a déconseillé l’ablation des ovaires. C’était une lourde intervention et j’étais si jeune… Mon corps avait encore besoin de toutes ces hormones, même si je ne voulais pas spécialement d’enfants, je serais subitement ménopausée. J’ai réfléchi longuement et j’ai fini par reporter cette opération à mes 35 ans.

L’intervention a eu lieu le 9 avril 2014. J’étais terrorisée, mais d’un autre côté, j’avais hâte de me faire opérer. Les semaines et les mois qui ont suivi ont été difficiles, mais je les ai traversés grâce aux bons soins de ma maman et au soutien de ma famille et de mes amis. À la mi-septembre 2014, j’ai pu reprendre le travail d’assistante en pharmacie que j’aimais tant. Je pouvais être fière de moi. D’une part, parce que j’avais pris la décision de me faire opérer à titre préventif et, d’autre part, parce que j’étais ravie de mes deux “nouveaux” seins. Je me sentais plus forte que jamais ! »


Une boule

« L’année suivante, je me suis sentie de plus en plus fatiguée, épuisée. J’ai tenu le coup jusqu’au bout. J’ai fait une prise de sang, qui n’a rien révélé de spécial. J’ai exploité au maximum l’énergie qui me restait et j’ai pris des vitamines pour pouvoir continuer à travailler. Fin septembre, j’ai senti une petite boule sous mon sein droit. Dans l’intervalle, j’avais assisté à un congrès sur le gène BRCA à Wilrijk en compagnie d’autres patients. Une conférence donnée par un professeur m’avait particulièrement marquée : “Il ne faut jamais dire qu’un patient ne développera plus jamais un cancer du sein après une chirurgie préventive, bien que cela se produise rarement, voire jamais. Il reste toujours quelques cellules de tissu mammaire.” Le professeur a décrit deux endroits où une tumeur risquait encore de se développer. La zone où j’ai senti une boule en faisait partie… J’ai d’emblée senti qu’il y avait un problème. J’ai heureusement pu effectuer rapidement une échographie et une ponction. J’ai tout de suite su…

Je l’ai vu dans la manière dont les médecins se comportaient. Leur surprise, leur nombre. Vu mon opération préventive, il n’était plus aussi simple de faire une ponction et j’étais entourée de médecins. C’était stressant, même si je savais que je bénéficiais des meilleurs soins. En principe, le résultat devait tomber trois jours plus tard, mais compte tenu des circonstances, il a fallu attendre huit jours interminables. Comme la fois précédente, je me suis dit que si les nouvelles étaient mauvaises, les médecins m’auraient sûrement déjà appelée. Je me répétais ces mots tous les jours pour me réconforter et tenir la journée. »  

Un nouveau départ

« Et le terrible jour est arrivé… Un an et demi après ma mastectomie préventive, on m’a annoncé que j’avais un cancer du sein. Un carcinome mammaire agressif, triple négatif. Je l’avais entendu, je l’avais senti et je l’avais compris, mais je ne pouvais pas y croire, j’étais dans le brouillard. Je n’entendais que des voix lointaines. Le lendemain, j’ai dû passer une scintigraphie osseuse et un PET scan pour déterminer s’il y avait des métastases. Je suis revenue en consultation une semaine plus tard. Dans la salle d’attente, je me suis dit : “Quand je franchirai cette porte tout à l’heure, mon sort sera scellé.” Quand on m’a dit que le scanner n’avait pas révélé de métastases, je suis tombée dans les bras de ma mère et nous nous sommes mises à pleurer toutes les deux. J’avais l’impression que la vie m’offrait une seconde chance et je comptais bien la saisir !

J’étais heureuse d’avoir décelé la petite boule moi-même et d’avoir agi immédiatement. Ayant suivi le deuxième combat de mon grand-père et de ma grand-mère de près, j’avais toujours dit que je refuserais la chimiothérapie. D’autant qu’à la pharmacie, j’avais croisé de nombreux patients que la chimiothérapie avait rendus tellement malades qu’ils n’étaient plus les mêmes après. Et pourtant, mon traitement prévoyait six mois de chimiothérapie, suivis de 35 séances de rayons. Le scanner n’avait montré aucune métastase, mais il pouvait y en avoir de microscopiques. Vu l’agressivité de la tumeur et le gène dont j’étais porteuse, il s’agissait du meilleur traitement. Ma mère m’a convaincue et j’ai commencé le traitement avec l’esprit d’une battante. J’adorais mes longs cheveux et j’avais décidé que je ne voulais pas les voir tomber. Un jour où il tombait des cordes, on m’a rasé la tête sans que je le voie. Je ne voulais pas me voir chauve et j’ai conservé ma queue de cheval pour toujours. »

« Stars can’t shine in the darkness »

« La première cure de chimiothérapie ne s’est pas bien passée. J’ai été très malade et en 2016, j’ai même été hospitalisée pour insuffisance rénale, anémie et déshydratation. Je vomissais tellement et je peinais tant à garder les liquides que mes reins étaient abîmés. Quand je suis arrivée pour ma chimio la semaine suivante, l’état de mes reins s’était encore détérioré. Le médecin a interrompu la chimio, en concertation avec moi. J’étais mitigée, mais ce n’était plus possible. Je sentais littéralement mon corps me lâcher. Je ne parvenais plus à descendre les escaliers seule et mes muscles semblaient avoir fondu. J’ai alors pu reprendre mon souffle et j’ai repensé à la pierre que j’avais reçue au congrès de Wilrijk. On y voyait une coccinelle et l’adage “stars can’t shine in the darkness”.  

S’en est suivie la radiothérapie, que j’ai bien supportée. J’étais fatiguée et vers la fin, ma peau était brûlée, mais ce n’était rien comparé à ce que j’avais enduré avant. Peu après le début de ma chimiothérapie, je suis donc entrée en ménopause. Peut-être pour toujours, peut-être pas. Huit mois après l’interruption de la chimio, j’ai décidé de me faire retirer complètement les ovaires. »

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Reprendre le fil : un cheminement difficile

« La période qui a suivi n’a pas été une partie de plaisir, mais je suis plutôt bien parvenue à le cacher. On a l’impression que tout est terminé, mais en réalité, c’est à ce moment-là que commence le grand défi : essayer de laisser cette épreuve derrière soi et la digérer. À mes yeux, je suis quelqu’un d’autre. Mais heureusement, ce n’est pas le cas pour ceux que j’aime. On veut reprendre le cours de sa vie “d’avant”, mais on ne se sent plus jamais comme avant. La douleur est restée, je dormais mal. Chaque sensation “anormale” dans mon corps déclenchait des sonnettes d’alarme chez moi et me nouait la gorge. J’avais du mal à me concentrer sur autre chose. J’ai pourtant fait de mon mieux pour “revenir”. J’ai suivi un programme de revalidation avec d’autres malades à l’hôpital universitaire de Louvain. J’ai essayé de vraiment écouter mon corps. On aurait parfois dit que mon angoisse et mon chagrin pompaient toute mon énergie.  

À chaque contrôle de ma mutuelle, on me mettait la pression pour que je reprenne le travail. C’était pénible parce que j’essayais, mais mon corps ne suivait pas. J’avais parfois la tête qui tourne, des sensations bizarres. J’ai passé plusieurs examens, par mesure de sécurité. Heureusement, tout était OK, à l’exception de mon test d’hyperventilation. En octobre 2018, j’ai pu recommencer à travailler à la pharmacie où j’avais été assistante pendant 14 ans. Même si j’aimais mon travail, il m’épuisait. Je ressentais davantage de douleurs et il arrivait que mon rythme cardiaque grimpe à 178 battements par minute. J’ai fini par devoir prendre beaucoup de médicaments anti-nauséeux pour tenir toute la journée. Je ne pouvais plus rien faire d’autre en dehors de mon travail. J’étais vidée. »

Une lueur d’espoir ou un miracle ?

« Fin mars 2019, je me suis rendue à l’hôpital pour mon contrôle quadrimestriel. L’échographie a révélé une nouvelle tumeur. J’ai senti remonter toutes les émotions que j’avais tenté de mettre de côté. Mais le 9 avril, cinq ans jour pour jour après l’opération censée faire en sorte que je ne revive plus jamais cela, un miracle s’est produit. Les cellules n’étaient pas malignes, comme on l’avait d’abord pensé ! Des larmes de bonheur ont coulé sur mes joues et celles de ma mère. Les miracles se produisent quand on y croit, aidés par votre propre force et par l’amour et l’amitié que des personnes spéciales vous donnent pour traverser les épreuves. Je me rends une fois de plus compte à quel point la vie est précieuse.

On a placé un clamp sur la tumeur et l’opération a eu lieu quelques jours plus tard. Comme la tumeur était située sur mon sternum, j’avais une sensation d’oppression. J’avais du mal à respirer et j’avais des nausées, mais je me répétais que “la tumeur était bénigne”. Mais les nausées ont persisté. Elles ont même empiré. Au point que j’ai perdu 10 kg en peu de temps. Je dormais aussi très mal et je rêvais de tout ce qui m’était arrivé. J’ai fini par consulter mon médecin traitant, qui m’a expliqué ce qui se passait dans mon corps. Une discussion encourageante ! Je souffrais du syndrome, ou trouble, de stress post-traumatique, TSPT en abrégé. Après une semaine de médicaments, je me suis sentie plus sereine et mes nausées se sont peu à peu calmées. Au bout d’un mois, j’ai pu retourner au restaurant pour la première fois. J’ai à nouveau pu profiter un peu de la vie ! Ça ne ressemblait pas à de l’anxiété normale. C’était étrange. Quand on a peur de quelque chose, on le sent. J’avais franchi ma limite sur le plan physique et émotionnel : mon corps me le faisait savoir. Un psychologue et un kiné adorables m’ont particulièrement soutenue à ce moment-là. »

Reconnaissance

« Je n’ai pas cité de noms, mais tout le monde m’a aidée et a été là pour moi à sa manière. Je ne l’oublierai jamais. Un petit quelque chose peut apporter une lueur d’espoir les jours difficiles. Je tiens donc à remercier tout le monde, mais en particulier ma maman chérie. Nous sommes très différentes, mais ô combien unies ! Elle est restée à mes côtés jour et nuit. J’imagine à quel point cette épreuve a dû être pénible pour elle. Nous en sommes toutes les deux sorties plus fortes, il n’y a aucun doute là-dessus. J’ai aussi toujours gardé moeke, ma grand-mère, dans mon cœur et dans mes pensées. J’allais souvent chez elle quand j’étais petite. Nous étions deux âmes sensibles. Elle me manque encore tous les jours. Sans oublier mes quatre bouviers bernois : ma passion, ma force. Ils étaient quatre au début de mon combat : Disi, Elffje, Lelia et Roselie. Nous avons malheureusement dû nous séparer de trois d’entre eux depuis lors. J’ai reformé une joyeuse bande au fil du temps : Roselie, Violett, Florinn et Bloemme égaient mes journées.

J’ai sept cicatrices, sept témoins du combat difficile que j’ai mené. La douleur est toujours là et je devrai continuer à écouter mon corps, mais mon dernier contrôle était bon. J’essaie d’apprécier la personne que je suis aujourd’hui. Je suis heureuse d’avoir vaincu la maladie et de pouvoir poursuivre ma vie. Ce n’est pas facile de se dire que tout peut encore basculer du jour au lendemain, mais l’angoisse et les émotions sont moins intenses et moins accablantes. Je garde toujours ces quelques mots à l’esprit : “La rose que j’ai vue fleurir au mauvais endroit. Traverser l’impossible et dire, comme cette fleur : j’ai survécu !” Profitez de chaque instant, de toutes les petites choses. Et chérissez tous ceux qui sont toujours là pour vous. »

Écrit par Charissa Van den Broeck

Lire ici : Après la chimio, la repousse Lire ici : Reprendre le travail après un cancer du sein

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