Borstkankerman

André Pauwels, Président de l’association BorstkankerMAN

Témoignage

« À cause du tabou autour du cancer du sein chez l’homme, les hommes touchés ont moins de chances de survie. »

Les hommes aussi peuvent être atteints d’un cancer du sein, mais cela reste rare. Alors que 12 femmes sur 100 sont confrontées au cancer du sein au cours de leur vie, c’est le cas d’1 homme sur 1000. En Belgique, on compte environ 120 malchanceux par an. Les hommes atteints d’un cancer du sein suivent globalement le même parcours thérapeutique que les femmes, même s’il existe quelques différences dans le tableau clinique. En moyenne, les hommes sont touchés par le cancer du sein à un âge plus avancé : ils ont généralement plus de 60 ans. Chez les femmes, environ 5 % de tous les cancers du sein sont héréditaires, alors que chez les hommes, ce pourcentage est deux fois plus élevé pour atteindre 10 %. C’est pourquoi les hommes atteints d’un cancer du sein sont systématiquement soumis à des tests génétiques. On pourrait penser que le cancer du sein chez l’homme est facilement détectable – après tout, ils ont peu de tissu mammaire et les anomalies se révèlent donc plus rapidement. En réalité, c’est le contraire : le cancer du sein chez l’homme est généralement détecté plus tard, de sorte que la tumeur est plus susceptible d’être métastatique. Cela s’explique par le fait que de nombreux hommes ne réalisent tout simplement pas qu’ils peuvent eux aussi être atteints d’un cancer du sein. Ils ne s’alarment pas immédiatement d’une grosseur et ne reconnaissent pas les signaux d’alerte.

Plus de 8 hommes sur 10 sont encore en vie cinq ans après le diagnostic, contre 9 femmes sur 10. Parmi ces 8 hommes figure André Pauwels, qui a survécu à son cancer du sein depuis plusieurs décennies. André défend les intérêts des hommes atteints d’un cancer du sein et est président de l’organisation à but non lucratif BorstkankerMAN. Il est devenu un rare patient-expert du cancer du sein chez l’homme, bien qu’il ne veuille pas l’affirmer lui-même. « Après mon diagnostic, j’ai été contacté par un groupe de patients atteints de cancer du sein », se souvient-il. « Mais en tant qu’homme, je m’y sentais toujours un peu à part. Cela ne m’a pas empêché de jouer un rôle actif au sein du conseil d’administration. » Il a été rejoint par un deuxième homme atteint d’un cancer du sein qui, comme André, avait envie de faire quelque chose pour les patients masculins atteints de ce cancer. Les deux hommes ont pris l’initiative de créer une association spécifique pour eux. Avec trois autres patients masculins, ils ont fondé l’ASBL. « Nous avons pu compter sur le soutien de l’hôpital universitaire de Louvain », souligne André. « Les médecins ont fait connaître notre nouvelle association à tous leurs patients masculins atteints d’un cancer du sein et notre groupe s’est immédiatement agrandi. » Était-il vraiment nécessaire de créer une association distincte pour les hommes atteints d’un cancer du sein ? Pour André, la question ne se pose pas. « Oui, c’était nécessaire. Le cancer du sein chez l’homme est encore un tabou qui fait que, aujourd’hui encore, les hommes touchés ont moins de chances de survie. Nous voulons faire prendre conscience au grand public que les hommes aussi ont des seins dans lesquels peut se déclarer un cancer. En outre, nous défendons leurs intérêts. »

Des informations peuvent circuler sur le cancer du sein chez l’homme, mais très souvent, elles n’atteignent pas les premiers concernés. « Beaucoup d’hommes ne sont pas ou verts à la question, ils ne s’y intéressent pas du tout. Cela nous aiderait beaucoup si un homme célèbre était atteint d’un cancer du sein et en parlait publiquement dans les médias. 80 % de notre travail s’en trouverait alors facilité », dit-il en riant, tout en ajoutant qu’il ne souhaite à aucun homme, célèbre ou non, d’être atteint d’un cancer du sein.

La rareté du cancer du sein chez l’homme a de nombreuses conséquences. Par exemple, la recherche scientifique qui s’y consacre est rare et le remboursement des médicaments testés uniquement chez les femmes n’est pas toujours facile à obtenir. « Nous avons exercé une forte pression pour obtenir le remboursement des traitements hormonaux pour les hommes, ce qui a entre-temps été effectivement obtenu fin 2023. » La plupart des cancers du sein chez les hommes sont hormonosensibles. Les cancers du sein triple négatifs sont rares chez eux. Comme chez les femmes, les cellules cancéreuses portent des récepteurs pour l’hormone sexuelle œstrogène, que les hommes produisent également, mais en petites quantités. Après l’ablation chirurgicale de la tumeur, la radiothérapie et/ou la chimiothérapie, les hommes atteints d’un cancer du sein hormonosensible reçoivent le même traitement antihormonal que les femmes. « Par exemple, ils vont devoir prendre du tamoxifène pendant cinq ans », précise André. « Ce qui est remboursé pour les femmes ne l’est pas toujours pour les hommes. Le coût de certaines hormonothérapies peut alors atteindre une trentaine de milliers d’euros, à payer sur ses propres deniers », ajoute-t-il. C’est ce genre d’injustices que l’ASBL dénonce et contribue à éliminer. Son travail de lobbying porte ses fruits. Les effets secondaires de cette thérapie hormonale – qui est en réalité un traitement antihormonal – ne sont pas insignifiants. Chez les femmes, elles entrent brusquement dans la ménopause si elles n’étaient pas déjà ménopausées. Il n’est pas rare qu’elles perdent toute libido ou soient confrontées à des sautes d’humeur. Mais qu’en est-il chez les hommes ? « Les hommes vivent la même chose », répond André. « Ils perdent le désir d’avoir des relations sexuelles, se sentent déprimés et apathiques. Mais alors que les femmes atteintes d’un cancer du sein sont bien informées des effets indésirables, les patients masculins tombent généralement du ciel. Ils ne sont tout simplement pas au courant. Les patients ne s’en rendent pas compte et leurs partenaires non plus. »

Il ne faut pas s’y tromper, ces effets secondaires dérangent particulièrement les hommes. Un homme qui développe soudainement des bouffées de chaleur, devient émotif au moindre contact et perd tout appétit pour le sexe ne sait pas ce qui lui arrive. « Vous changez du tout au tout. Votre caractère aussi. C’est très éprouvant pour vous, mais aussi pour votre partenaire. Vous n’avez plus l’impression d’être l’homme que votre partenaire a choisi. Cela pèse sur la relation. » Ce qui aggrave les choses, c’est le tabou qui entoure cette problématique. La plupart des hommes – souvent issus de la génération des sexagénaires qui n’ont pas appris à parler de leurs sentiments – cachent leurs inquiétudes. Ils n’en parlent ni à leur partenaire, ni à leur entourage. Le ou la partenaire pense vite que son compagnon ne l’aime plus, ce qui n’est pas vrai. « Lorsque nous nous réunissons avec les partenaires présents, nous constatons que les femmes se soutiennent mutuellement, échangent des histoires sur la façon dont la vie avec leur mari a changé depuis la maladie. Elles se prodiguent des conseils. Nous constatons que les femmes en ont davantage besoin que les patients masculins eux-mêmes, qui préfèrent garder cela pour eux. Les partenaires souffrent de ce manque de communication, mais un homme veut épargner sa femme. »

Veerle a reconnu dans son témoignage qu’elle reçoit beaucoup de soutien en discutant avec les partenaires d’autres hommes atteints d’un cancer du sein. « Vous pouvez compter sur les partenaires qui doivent accepter que leur mari a changé, même si ces changements disparaissent en partie après l’arrêt du traitement hormonal », conseille André. S’ils n’ont pas besoin d’entretiens, pourquoi ces hommes contactent-ils l’ASBL BorstkankerMAN ? « Principalement pour trouver des informations. Pas tellement pour échanger des expériences avec d’autres malades. Dès qu’ils se sentent suffisamment informés, ils restent souvent à l’écart. Ils viennent pour s’informer sur le cancer du sein héréditaire, par exemple, pour connaître les risques pour leurs enfants, ou savoir comment aborder le sujet. Ils se sentent souvent coupables de ce qu’ils ont transmis à leurs enfants. »

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Ensuite, il y a le travail de sensibilisation pour alerter les hommes sur les signaux d’alarme, entre autres. L’association a déclaré le 7 octobre Journée des hommes atteints de cancer du sein. Cette initiative a fait des émules à l’étranger. « Nous pensons que le mois d’octobre consacré au cancer du sein est une excellente initiative, mais nous constatons que les hommes ne sont pas suffisamment pris en compte. Nous avons choisi le 7 octobre, un clin d’œil à James Bond, agent 007. Ce jour-là, le célèbre ruban rose se pare d’un nœud papillon et d’un chapeau. » Les hommes de l’ASBL ne restent pas inactifs à l’approche du 7 octobre. « Nous distribuons des tracts dans les gares ou dans les stades de football lors des matches de première division. Nous avons été invités à des émissions télévisées sur une chaîne flamande, nous organisons également des représentations théâtrales. » Et cela porte ses fruits. « Notre passage à la télévision a incité un téléspectateur à consulter son médecin en raison d’une grosseur au sein qui était là depuis un certain temps et qui s’est avérée être un cancer du sein. Et après une représentation théâtrale ludique sur les hommes atteints de cancer du sein, un homme du public est venu nous expliquer qu’il était traité pour un cancer du sein mais qu’il n’en avait encore parlé à personne, par honte. »

Par honte ? « Absolument », souligne André. « Les hommes atteints de cancer du sein s’isolent. Leur cancer les place dans un environnement centré sur les femmes. Bien sûr, la grande majorité des personnes atteintes de cancer du sein sont des femmes, mais il ne faut pas sous-estimer l’impact d’un tel encadrement sur les hommes. Lorsque je suivais un traitement et que j’étais assis dans la salle d’attente au milieu de toutes les femmes, un prestataire de soins de santé est venu m’appeler : ’Mme Pauwels ?’ Mon premier réflexe a été de regarder autour de moi dans la salle d’attente, croyant qu’une femme portant le même nom que moi y était assise. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il parlait de moi. De telles situations sont source d’embarras, à la fois pour le malade et pour l’aidant. » Autre exemple. Les patientes atteintes d’un cancer du sein reçoivent à l’hôpital une boîte contenant des brochures d’information, un petit coussin et toutes sortes de produits de soins. Des produits destinés aux femmes, ce que les hommes n’aiment pas non plus. Ils ne se sentent pas respectés. De plus, dans certains hôpitaux, les hommes sont placés dans un service différent. « Si vous voulez une chambre double, par exemple, vous vous retrouvez avec tous des femmes. » Le personnel soignant et même les médecins semblent souvent mal à l’aise. « Certains sont dépassés. L’un de nos membres, qui a consulté son médecin pour une grosseur au sein, a été rassuré à chaque consultation et n’a pas été orienté vers un examen plus approfondi. Son cancer s’est propagé et l’homme est décédé depuis. » Les hommes ont peu de tissu mammaire, mais une mammographie est pourtant généralement efficace. « Un autre homme s’est rendu chez son médecin généraliste pour un mamelon rouge et gonflé. Il lui a prescrit une pommade, mais a négligé de lui prescrire une mammographie de dépistage. Nous avons décidé de sensibiliser également les prestataires de soins de santé, car c’est vraiment nécessaire. »

Cela ne s’arrête pas là. Les hommes sont également désavantagés dans le traitement du cancer du sein. « Lorsque les hommes ne sont pas impliqués dans les essais de nouveaux traitements, le médicament est facilement étiqueté ’ne convient pas aux hommes‘ ou ‘n’a été testé que sur des femmes’. Avec parfois des conséquences en termes de remboursement, mais cela soulève également des questions quant à la pertinence du médicament pour les hommes, qui se le voient souvent prescrire parce qu’il n’y a pas d’autre solution. » L’association fait beaucoup d’efforts pour inciter les hommes atteints d’un cancer du sein à participer à des essais cliniques. Le problème, c’est que pour tester des médicaments chez les hommes, il faut disposer d’un groupe suffisamment important. Ce problème est commun à toutes les maladies rares. « C’est pourquoi nous nous unissons au niveau international et faisons pression pour que des recherches soient menées spécifiquement sur le cancer du sein chez l’homme. Nous soutenons cette recherche. » L’hôpital néerlandais Antoni van Leeuwenhoek mène actuellement une étude de ce type sur les hommes atteints d’un cancer du sein. Elle vérifie comment le traitement hormonal peut être ajusté pour améliorer la qualité de vie des hommes et supprimer les bouffées de chaleur. « Notre rôle consiste à rassembler le plus grand nombre possible d’hommes désireux de participer à l’étude. » Dans le cadre d’un autre projet de recherche, entière ment soutenu par l’ASBL, un chercheur recueille des tissus provenant de tumeurs mammaires masculines. L’objectif est de constituer une banque de tissus sur lesquels de nouveaux traitements anticancéreux pourront être testés.

En conclusion, qu’est-ce qui pourrait être amélioré selon André Pauwels ? « La majorité des hommes atteints d’un cancer du sein ont une forme héréditaire de la maladie. Ils présentent donc un risque plus élevé de rechute et doivent rester attentifs aux changements dans le sein. Il n’existe pas de calendrier de suivi pour les hommes, comme c’est le cas pour les femmes atteintes d’un cancer du sein héréditaire. Le risque de rechute est peut-être plus faible, mais il serait bon de rappeler de temps en temps aux hommes de se faire examiner ou de le faire eux-mêmes. Ce n’est pas le cas actuellement. »

BorstkankerMAN compte actuellement une quarantaine de membres actifs, tous originaires de Flandre. Il n’existe pas d’association similaire de l’autre côté de la frontière linguistique. « Nous sommes également ouverts aux hommes francophones atteints d’un cancer du sein, mais nous ne les atteignons que difficilement. Nous avons de bons contacts avec des hommes atteints de cancer du sein à l’étranger. » André a encore un rêve. « Dans chaque pays, on pourrait reconnaître une clinique consacrée au cancer du sein chez l’homme. Un centre qui proposerait les meilleurs traitements, où l’on trouverait les conseils pour les patients masculins et où les données relatives à ces hommes seraient centralisées. » Une clinique où un homme atteint d’un cancer du sein n’est pas regardé comme une bête rare.

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