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Chronique: Du désir partagé à l’acceptation commune

Après le cancer du sein Soins psychosociaux Témoignage

Alors que la chimio coulait goutte à goutte dans l’une des veines de ma femme, je fouillais un tas de vieux magazines en quête de lecture. Le niveau ne dépassait pas vraiment celui d’un salon de coiffure lambda. J’ai fini par tomber sur un magazine médical, qui consacrait un article au cancer du sein. J’étais curieux de savoir si j’allais y trouver des informations utiles. J’ai lu que de nombreux couples se séparaient à l’issue des traitements. Ça m’a étonné. Pourquoi rompre alors que le stress et les ennuis sont derrière ? Aujourd’hui, une dizaine d’années plus tard, ça ne me surprend plus. Les premières années qui suivent les traitements ne sont, en effet, pas un long fleuve tranquille. Je vous le dis tout de suite : ma femme et moi sommes toujours ensemble. Après presque 45 ans.

Quelques semaines avant que je jette un coup d’œil au tas de magazines dont je vous parlais, ma femme avait senti une grosseur au niveau du sein et le médecin généraliste (une femme) l’avait été immédiatement envoyée à l’hôpital. Verdict : cancer hormonodépendant. Le traitement prévoyait une chimiothérapie, une chirurgie réparatrice et plusieurs séances de radiothérapie. Il a duré environ dix mois au total. Dans les années qui ont suivi, ma femme a dû prendre, tous les jours, une pilule qui inhibe l’hormone féminine afin de réduire les risques de récidive.

Il va sans dire que pendant ces dix mois, le sexe n’a été une priorité ni pour elle ni pour moi. Après ces traitements, la vie a lentement repris son cours normal. Mais une chose n’est pas revenue : la libido de ma femme. La chimiothérapie avait impitoyablement poussé ma femme vers la ménopause, avec tous les symptômes qui l’accompagnent. J’ai repensé à l’article que j’avais lu à l’hôpital sur les couples qui ne tenaient pas le coup après la fin des traitements. À l’époque, je ne pouvais imaginer que ça puisse arriver. Aujourd’hui, mon point de vue a changé. Après dix mois de stress, de visites à l’hôpital, de traitements et de complications, vous avez envie de reprendre votre ancienne vie ensemble au plus vite, mais vous comprenez rapidement que rien ne sera jamais plus comme avant. En dépit de l’intimité qui subsistait, il n’y avait plus de désir partagé. Nous étions dans la cinquantaine et il était clair que notre vie sexuelle d’avant était un chapitre définitivement clos.

Nous nous sommes demandé si on nous en avait parlé à l’hôpital. Nous avions, certes, abordé le sujet avec des infirmières à la fin du traitement, mais nous ne nous rappelions plus vraiment ce qui s’était dit. Si nous avions bon souvenir, nous pouvions parler à d’autres malades si nous en ressentions le besoin. Nous n’avions pas hâte… Nous voulions laisser toutes ces souffrances derrière nous au plus vite et reprendre une vie qui n’était plus rythmée par le cancer.

Plus la vie reprenait son cours normal, plus la perte de libido commençait à prendre de la place. Nous savions que la chimiothérapie avait anéanti notre vie sexuelle en même temps que le cancer, mais tout le reste semblait normal ; j’avais donc du mal à accepter cette nouvelle situation. Au cours des premières années, nous avons régulièrement abordé ensemble le sujet de notre sexualité disparue. Nous avons prudemment testé les limites de ce qui était encore possible et satisfaisant. Nos espérances ont malheureusement été déçues.

Il n’est pas toujours nécessaire de poser explicitement la question pour savoir si votre partenaire a envie de faire l’amour. La plupart des couples disposent de leurs propres mots, gestes et actes pour évaluer l’état d’esprit de l’autre. Bizarrement, ma femme et moi les utilisons encore de temps en temps, même si nous savons qu’ils sont liés à quelque chose qui est définitivement terminé et qu’ils ne mèneront donc à rien. Cela ne nous rend pas tristes. Au contraire : en général, on en sourit ensemble. Nous continuons à travailler à une acceptation commune de la situation.

- Lucien Van Rooy

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