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Birgit Carly, chirurgienne du sein et membre du conseil d’administration de l’ASBL Pink Ribbon

Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers

Elle a beau avoir atteint l’âge de la retraite, Birgit Carly est toujours aussi engagée dans son combat en faveur de soins accessibles et de qualité pour les patients atteints d’un cancer du sein. Rencontre avec cette chirurgienne du sein originaire de Flandre occidentale qui a fait carrière dans les hôpitaux bruxellois et qui vit en Wallonie.

Vous avez grandi dans le Westhoek, mais vous avez fait carrière dans la capitale. Comment l’expliquer ?

Birgit Carly : « Tout est parti de mes études. Après mes secondaires à Ypres, j’ai étudié la médecine à la VUB, où j’ai aussi suivi une formation en chirurgie générale. J’ai immédiatement eu l’occasion d’exercer comme chirurgienne générale à l’hôpital Joseph Bracops d’Anderlecht, où j’ai mis en place une petite unité spécialisée dans les maladies du sein. Ce domaine me passionnait. Quand Serge Rozenberg, gynécologue à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, m’a demandé de rejoindre l’équipe de sa clinique du sein, je n’ai pas hésité. Ma collègue Fabienne Liebens et moi sommes parvenues à obtenir une reconnaissance (accréditation) européenne pour notre clinique du sein à l’hôpital Saint-Pierre, ce qui n’était pas gagné d’avance. Les exigences associées à ce genre d’accréditation européenne sont plus strictes qu’en Belgique. En plus d’être chirurgienne du sein, j’étais aussi responsable de la concertation oncologique multidisciplinaire (COM) à la clinique du sein. Après le départ à la retraite de Fabienne Liebens, j’ai pris la direction de la clinique du sein. »  

Vous êtes très engagée et vous avez participé à la création d’Europa Donna Belgium. Quel est le rôle de cette organisation ?

Birgit Carly : « Europa Donna - Coalition européenne contre le cancer du sein a été fondée en Italie sous l’impulsion d’Umberto Veronesi, un ponte de la chirurgie mammaire. C’est notamment à lui qu’on doit la chirurgie réparatrice : avant, un cancer du sein entraînait systématiquement une mastectomie. Veronesi s’est heurté à l’opposition de ses confrères quand il a entamé ses recherches sur la chirurgie réparatrice du sein. Il a donc demandé à ses patientes de l’aider à faire pression. Voilà comment tout a commencé ! Europa Donna est un groupe de pression de femmes qui vise à optimiser tout ce qui concerne le cancer du sein. Europa Donna a permis aux patients de faire entendre leur voix dans le cadre des recherches scientifiques menées sur toute une série de maladies.

En 1997, j’ai assisté à un congrès sur le cancer du sein à Florence. Le sujet de la qualité de vie y était aussi mis en avant par les patients. Il y avait une Belge, Sibylle Fleitmann, qui représentait Europa Donna Europa. Je l’ai abordée et je lui ai dit que je souhaitais apporter mon aide. C’est ainsi que nous avons créé Europa Donna Belgium en 2000. J’y ai endossé plusieurs rôles : secrétaire, vice-présidente, présidente… Jusqu’à ce que je connaisse de graves problèmes de voix. Je suis malgré tout restée active. Nous faisons du lobbying dans le monde médical et politique. Nous organisons un symposium annuel pour sensibiliser la population aux problèmes qui subsistent. Nous pouvons compter sur le soutien de Pink Ribbon dans ce cadre. »

Quels résultats a donnés le lobbying d’Europa Donna jusqu’à présent?

Birgit Carly : « Le dépistage de masse trouve notamment son origine en Belgique, où il a été mis en place au début des années 2000. Nous nous sommes battus pour que les personnes atteintes d’un cancer du sein bénéficient d’une assistance psychologique. Elles y ont désormais droit. À partir de 2003, nous avons plaidé en faveur de la création de cliniques du sein agréées. Nous sommes également intervenus dans le remboursement des médicaments contre le cancer du sein. »

C’est en partie grâce à vos efforts que les traitements administrés hors cliniques du sein ne sont plus remboursés.

Birgit Carly : « Il a fallu militer pendant 20 ans, mais le mérite ne me revient pas à moi seule. Dès le début des années 2000, il est clairement apparu que les patients traités par des chirurgiens qui pratiquent beaucoup d’opérations pour cancer du sein avaient un meilleur pronostic et une meilleure qualité de vie. De nombreuses études l’ont confirmé par la suite. En 2003, l’Europe a sommé ses États membres de créer des cliniques du sein et de les privilégier pour traiter les patients atteints d’un cancer du sein. Il a fallu attendre 2007 pour que la résolution européenne soit transposée en droit belge par arrêté royal. Depuis lors, il faut remplir certaines conditions pour pouvoir se proclamer "clinique du sein". Un énorme progrès, à l’époque ! Mais après quelques années, nous nous sommes rendu compte que cette loi ne protégeait que le titre de clinique du sein, pas les patients. Les patients atteints d’un cancer du sein pouvaient toujours se faire soigner n’importe où. Nous avons dû œuvrer pendant des années pour prouver qu’ils avaient tout intérêt à se tourner vers une clinique du sein agréée. Ce n’est qu’à la publication du rapport 2023 du Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE), qui a démontré que les chances de survie dans les cliniques du sein étaient nettement meilleures qu’en dehors, que le ministre des Affaires sociales de l’époque, Frank Vandenbroucke, a promis de prendre des mesures. Vu l’absence d’action immédiate, Europa Donna Belgium a fait en sorte de remettre cette promesse à l’agenda politique. Résultat : depuis août 2024, le traitement du cancer du sein n’est plus remboursé que s’il est prodigué par une clinique du sein agréée. »

Y a-t-il encore en ce moment des problèmes urgents qui affectent la prise en charge du cancer du sein?

Birgit Carly : « Et comment ! Pour l’instant, la chirurgie mammaire n’est pas une spécialisation à part. Tous les chirurgiens et gynécologues peuvent pratiquer des opérations pour cancer du sein après leur formation. C’est absurde, car la formation générale aborde à peine le sujet. Il existe pourtant, à l’échelle européenne, un titre de chirurgien du sein qui nécessite une formation supplémentaire de deux ans (avec examen). L’un de nos prochains combats consistera à faire en sorte qu’il en soit de même en Belgique. La chirurgie mammaire n’est pas simple et les conséquences sont parfois désastreuses. Trop de femmes subissent encore inutilement une mastectomie. Des études récentes font même état de meilleurs taux de survie après une chirurgie réparatrice qu’après une mastectomie pour des lésions mammaires similaires. Sans compter que la chirurgie réparatrice est devenue très complexe, a fortiori quand elle est suivie d’une reconstruction. Il est urgent de se pencher plus avant sur la question. »

Pour terminer, comment êtes-vous arrivée chez Pink Ribbon? Quel est, selon vous, le rôle de l’ASBL?

Birgit Carly : « Au vu de mon engagement, on m’a demandé de siéger au conseil d’administration de Pink Ribbon. J’y veille notamment à ce que les fonds récoltés soient utilisés à bon escient et à ce que la mission de Pink Ribbon soit correctement remplie. La promotion du dépistage concorde avec la mission d’Europa Donna Belgium. Ensemble, nous sommes plus forts. Le soutien psychosocial, l’un des piliers de Pink Ribbon, revêt aussi une importance cruciale. Quand une femme est touchée par le cancer du sein, c’est toute la famille qui est touchée. »

Quels sont, d’après vous, les besoins actuels les plus criants ?

Birgit Carly : « Il faudrait une base de données belge commune à toutes les cliniques du sein ; une base qui centralise davantage de données. Les cliniques du sein devraient être mieux contrôlées. Les chirurgiens mammaires devraient suivre une formation spécifique. Nous devons aussi continuer à insister sur la prévention primaire (l’identification des signaux d’alarme) et le dépistage précoce. Ce dernier ne permet pas toujours d’éviter un traitement lourd, mais il peut améliorer considérablement le pronostic. Bref, il y a encore du pain sur la planche. »

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Découvrez les autres membres du conseil d'administration de Pink Ribbon :

Anne Soenen Jan Lamote

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