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Cancer génétique : le témoignage de Giuseppina

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21/09/2022 - Giuseppina a reçu le diagnostic d’un cancer génétique à l’âge de 34 ans. Elle a maintenant 53 ans et témoigne de son parcours : « j'ai tout vécu » – elle l’affirme avec détermination – mais « toutes les décisions prises furent les bonnes ». Au-delà du professionnalisme des soignants, qu’elle respecte profondément, elle nous fait part de l’importance d’échanger, de parler ensemble, de développer des contacts humains avec des personnes qui ont vécu les étapes que les patientes traversent ou traverseront. Afin de connaître leur ressenti et d’entrevoir son propre avenir.

Une histoire de famille

« Appelez-moi Pina » dit-elle car c’est ainsi que l’on me connaît et que je me présente quand je vais à la rencontre de personnes avec qui je souhaite nouer des liens. L’histoire de ma famille est parsemée de cas de cancers du sein depuis des générations de femmes. Ma maman en est décédée et c’est à ce moment que nous avons été toutes informées qu’il s’agissait d’un cancer génétique, héréditaire, de type BRCA2. Nous étions 5 filles à la maison et, chez 2 de mes sœurs, le gène BRCA2 a été identifié.

Une histoire particulière

Mon cancer du sein a été diagnostiqué il y a 19 ans. Directement, la génétique a été mise en cause. Les médecins ont pu affirmer qu’il ne s’agissait toutefois pas du gêne BRCA2 mais que le facteur hérédité était présent : j’étais porteuse d’une mutation génétique encore non répertoriée. Au vu de ce diagnostic, bien que j’habite à Liège, je suis entrée dans un programme d’étude à l’Institut Jules Bordet de Bruxelles. Cette étude continue encore actuellement… Tous les 10 ans, ma mutation génétique fait encore l’objet d’analyses pour tenter de mieux la comprendre et pour anticiper les soins des personnes qui en sont porteuses.

Une histoire de choix pour la vie

Un cancer multifocal étant malheureusement déclaré dans un sein, j’ai commencé les traitements par la chimiothérapie. Ensuite, par l’ablation du sein touché mais aussi de mon autre sein, sain. Chose très rare à l’époque et que peu d’hôpitaux pratiquaient. La tendance était à la conservation de toute partie saine, moins à la prévention. Le Pr Nogaret qui m’a prise en charge a voulu m’offrir le plus de garanties ; toutes les décisions préventives et curatives prises de commun accord avec lui furent les bonnes en ce qui me concerne.

En effet, quasi 20 ans plus tard, je puis témoigner auprès de vous et je vis une belle vie en famille. Aujourd’hui, 3 de mes grands enfants n’ont pas encore quitté le nid, ils étudient tous à l’Université de Liège, et je reste une maman attentive et disponible, tout en ayant créé mes propres activités. A l’époque, il est vrai que j’avais eu la chance de fonder ma famille auparavant : maman de 4 jeunes enfants et mariée au moment du diagnostic, j’ai pu mettre ma carrière entre parenthèses pour me consacrer à ma santé et à ma famille.

Au moment de l’ablation controlatérale des seins, avec ablation préventive du sein non malade, j’ai également subi une ovariectomie par prudence et prévention. Encore une décision que je ne regrette pas au regard de ma vie.

Vinrent alors la radiothérapie du côté traité, l’Herceptine durant 1 an et, enfin, l’hormonothérapie. D’abord 5 ans de prise d’Arimidex et, ensuite, 5 ans de prise de Femara. Pour ce dernier point – la prolongation de l’hormonothérapie à 10 ans – je faisais à nouveau partie d’une étude novatrice au sein de l’Institut Jules Bordet. A cette époque, ce type de traitement était préconisé pour 5 ans ; son allongement à 10 années dans certains cas a découlé des conclusions de l’étude à laquelle j’ai pris part.

Encore de bonnes décisions et des progrès scientifiques que m’ont conduite où j’en suis à l’heure où je vous parle.

Le partage d’histoires porteuses d’espoir

Après la chimiothérapie, j’étais pourtant très déprimée et voyais mon avenir en noir. La période était très difficile. L’idée de la perte des 2 seins y participait mais, surtout, la santé de mes sœurs porteuses du gène BRCA2 me tracassait beaucoup.

Une lueur d’espoir est cependant venue me réconforter à l’hôpital, le lendemain de ma double mastectomie : la visite d’une dame de l’ASBL Vivre comme Avant a ouvert en moi l’espoir d’un avenir encourageant. Je vois encore cette dame à mon chevet ; me dire que cela faisait 7 ans qu’elle était en rémission, qu’elle se portait bien et, enfin, m’offrir mes premières prothèses post-opératoires. Quel espoir pour moi et ma féminité ! Je garde encore en mémoire la vision de cette femme : souriante, bien habillée en couleurs. Croyez-le, souvent, je revois nettement ces couleurs et je considère encore ce moment comme un tournant essentiel. J’ai compris alors que, en plus des soins médicaux, je devais chercher à nouer des contacts humains avec d’autres patientes pour m’en sortir.

Dès le départ, j’étais donc persuadée que l’écoute et l’échange allaient participer à mon rétablissement. Pourtant, mon moral était au plus bas. A la même période, une de mes sœurs touchées par le gène familial est décédée du cancer du sein. C’était pour moi un choc terrible et le début d’une forte déprime.

J’ai toutefois intégré deux groupes, disparus à ce jour. A Liège un groupe formé à l’initiative de la Fondation contre le cancer. Puis un groupe international (surtout présent en France mais aussi à Bruxelles), les Essentielles, avec qui j’ai vécu des échanges incroyables ! Des rencontres avec les familles et des amitiés sincères qui ont permis à chacun, chacune de comprendre sa maladie ou la maladie de sa conjointe ou d’une personne proche.

L’histoire d’une reconstruction innovante

Là, également, j’ai pris connaissance des différentes techniques de reconstruction mammaire existant à l’international. On ne parlait pas encore ou si peu du DIEP en Belgique. Pourtant, j’étais persuadée que c’était cette méthode qu’il me fallait. J’ai finalement été reconstruite à Gand, seul hôpital belge qui avait la capacité de réaliser ma reconstruction bilatérale par DIEP à cette époque. Une très longue opération et des étapes fatigantes mais qui restent encore autant de très bonnes décisions me concernant. De nombreuses années après, je reste satisfaite et heureuse de ce choix. Pourtant, à ce moment, cette technique novatrice ne bénéficiait pas d’une reconnaissance de l’INAMI et le coût à ma charge était élevé. J’ai économisé durant une année afin de payer ma reconstruction.

Heureusement, depuis, des combats en faveur des patientes ont eu lieu et ces opérations sont à la charge de l’assurance mutuelle. Auparavant, le coût était un frein réel pour la plupart d’entre nous.

Grâce au volontariat, une histoire « tout bénéfice » pour les autres patientes

C’est ainsi, que je puis dire que « j’ai tout vécu » : au niveau soins, évolutions, partages, …

Et, très vite, j’ai souhaité que ce que j’avais vécu, de même que le bénéfice retiré des groupes fréquentés, deviennent un apport pour les autres malades. Le bouche à oreille a beaucoup joué ; des dames disaient à des proches diagnostiquées du cancer du sein : « va voir Pina, téléphone-lui, elle saura t’aider et te renseigner ».

C’est ainsi que j’ai rejoint l’ASBL Vivre comme Avant, dont le siège belge est situé à Bruxelles. Toutes ses membres volontaires sont des femmes qui ont vécu et vaincu le cancer du sein et vont à la rencontre des patientes opérées. Elles forment en Wallonie et à Bruxelles une association comparable à Borstkanker Vlaanderen au Nord du pays. Les deux ASBL sont d’ailleurs partenaires et reconnues par la Fondation contre le Cancer (cancer.be).

Je me réjouis que les restrictions de la pandémie s’estompent en permettant des contacts ; d’aller à nouveau au chevet de patientes opérées dans ma région, la Province de Liège, et de leur apporter cet espoir comme mon expérience. Entre-temps, j’ai continué à les écouter par téléphone et à les soutenir dès que possible.

Mon témoignage comporte donc une finalité heureuse : je suis en rémission, je me sens bien dans mon corps et dans ma vie. Je puis même affirmer que j’apprécie mieux la vie qu’avant.

Finalement, une histoire de transmission, de prévention et de confiance en l’avenir

Et, enfin, je prends soin de ma fille.

Mes 2 nièces - filles de mes sœurs porteuses du gène BRCA2 – ont effectué un dépistage dès l’âge de 20 ans et, en fonction de leur résultat personnel, ont un programme préventif spécial.

N’étant pas moi-même porteuse du gène BRCA2, ma fille ne peut pas l’être. Mais elle est suivie préventivement en fonction de mon gène particulier, pour lequel l’attente de découvertes scientifiques est encore à l’ordre du jour.

Les mammographies étant à éviter sur les jeunes filles à risque, ma fille a reçu des codes spécifiques de « patiente à haut risque » en vue d’examens IRM remboursés chaque année à partir de la trentaine.

Ce n’est pas facile pour ces jeunes mais, en tant que maman et tante, j’essaie de faire passer le message qu’il n’y a pas d’autre choix : prévenir reste l’essentiel et le bon choix.

Je sais aussi que les personnes porteuses de gènes spéciaux sont souvent esseulées face à la majorité des autres patientes du cancer du sein. Vu mon cas, je trouve encore plus nécessaire de témoigner et de rester disponible pour échanger. J’ai moi-même, en dehors des informations des médecins et des rencontres déjà évoquées, trouvé beaucoup de réponses à mes besoins dans des groupes Facebook fermés, spécifiques aux personnes concernées par des mutations génétiques, tels BRCA1, BRCA2, PALB2 et Mastectomie préventive (Nord).

Tout ce parcours me permet de conclure ainsi : nulle patiente n’est vraiment seule. Ouvrez-vous aux contacts humains, la vie en vaut la peine et vous pourrez l’apprécier mieux qu’avant.

L’espoir en tête, je pense à vous toutes.

Pina.

Propos recueillis par Marie Paule Lecart

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