Témoignage Pink Monday : Le succès du groupe de soutien au Parlement européen
Diagnostic Après le cancer du sein Amitié Retour au travail Pink MondayBénédicte Belge est médecin au service médical du Parlement européen. En 2015, elle met en place un groupe de soutien pour les employées atteintes d’un cancer du sein. Accompagnée des deux psychologues du cabinet médical, Rosario Pelaez et Myriam Naedts, Bénédicte accompagne les femmes et leur apporte un soutien dans leur lutte contre le cancer du sein. Elle raconte l’histoire d’Elena, qui est à la base de la création groupe de soutien: «Notre histoire commence en janvier 2015 lors d’une visite d’Elena à la psychologue du cabinet médical. Elena peut être chacune de nous, elle est peut-être votre collègue... Italienne de 43 ans, dynamique, elle est secrétaire dans une des directions générales du Parlement européen. Elle aime son travail, elle a deux enfants. Et puis un jour sa vie bascule, on lui annonce qu’elle a un cancer du sein.»
Sentiment d’isolement
« Pendant son congé de maladie, Elena s’est sentie fort isolée et, quelque part, abandonnée. Sa famille habite en Italie, ses collègues n’ont pas pris de ses nouvelles, même Noël est passé sans que personne ne la contacte... Elle se rend compte qu’elle a besoin de soutien. Elle rejoint alors un groupe de soutien à l’hôpital où elle est suivie, mais elle ne s’identifie pas aux patientes de ce groupe: la plupart ont leur famille ici, tandis qu’elle est expatriée, et , qui plus est, le retour au travail n’est pas abordé.
L’histoire d’Elena ressemble à celle d’autres collègues et, avec Elena, naît alors l’idée d’organiser, au cabinet médical du Parlement européen, un groupe de soutien pour les femmes qui ont ou qui ont eu le cancer du sein, qu’elles soient en congé maladie ou qu’elles soient au travail. Un groupe dans lequel Elena parvient cette fois à s’identifier aux autres femmes, de par leur maladie et parce qu’elles partagent le même environnement de travail.
Un groupe de soutien
C’est ainsi que le groupe de soutien démarre en septembre 2015 avec une dizaine de participantes. Il s’agit d’un vrai projet pilote. Elena et les autres femmes se rencontrent une fois par mois pendant six mois, sur l’heure de midi, dans une salle du cabinet médical. À la base de ces séances, il y a le suivi psychologique en groupe et aussi le soutien que se donnent les femmes entre elles.
Les rencontres sont encadrées par nos deux psychologues et par moi-même. Les participantes écoutent et sont écoutées à tour de rôle, toujours dans le respect, la confidentialité, et avec la liberté de s’exprimer ou de se taire. Chaque séance est une belle rencontre, avec des moments de pleurs parfois, mais aussi beaucoup de sourires. Les participantes abordent différents thèmes, comme l’annonce du diagnostic, le traitement, la famille, la réaction des collègues et du chef, ou encore le retour au travail.
Comme Elena, les participantes se sentent fragiles et isolées pendant leur congé de maladie, particulièrement quand elles sont expatriées et que la famille est loin... «Être expatriée, ce n’est pas facile, et surtout pas si, un jour, on vous annonce que vous avez un cancer» disait une des participantes... Comme pour Elena, le retour au travail est vécu comme quelque chose de positif: il permet, quelque part, de revenir à une «vie normale» et de fermer une parenthèse négative de sa vie. Il permet aussi de devenir quelqu’un qui compte dans la société et au travail, et de retrouver ses anciens repères car, face au cancer, on se sent tellement démuni.
Pourtant, pour Elena et les autres femmes, le retour au travail n’est pas facile. Elles nous confient que l’équipe médicale de l’hôpital n’aborde pas vraiment la question. Comme Elena, la plupart des participantes se sentent perdues et décalées, car, pendant leur congé de maladie, beaucoup de choses peuvent changer au travail: les anciens repères ne fonctionnent plus nécessairement, l’équipe a changé, le système informatique n’est plus pareil, elles ne se souviennent parfois même plus du mot de passe...
Le retour au travail n’est pas facile
Et puis, les collègues ne savent pas toujours comment réagir. Certains font comme si de rien n’était, et d’autres se sentent mal à l’aise. Il y a parfois des remarques maladroites qui font mal: «Pourquoi est-ce que tu as coupé tes cheveux?»... Le retour au travail n’est pas toujours facile car, comme pour Elena, le cancer change souvent la philosophie qu’on a de la vie. Il y a un «avant» et un « après ». On n’a plus envie de stresser pour des «bêtises». On a envie de profiter un peu plus de la vie, de retourner à l’essentiel...
Les effets secondaires des traitements ne facilitent pas non plus le retour au travail. Comme Elena, la plupart des femmes signalent beaucoup de fatigue, des troubles de la concentration, des changements d’humeur... Autant de sujets et de thèmes sur lesquels Elena et les autres participantes ont pu échanger pendant leurs rencontres, qui ont permis de stimuler l’entraide, de casser l’isolement: exactement ce qu’Elena recherchait quand elle a poussé pour la première fois la porte de notre cabinet médical.
Ce premier groupe a eu un grand succès. Ainsi, après six séances, Elena et les autres participantes montraient plus de résilience et manifestaient moins d’effets psychologiques dus à leur maladie, comme l’angoisse, la colère, le doute ou la culpabilité. Elles se sont senties pleinement soutenues par leur institution et elles ont pu préserver le sentiment d’appartenance à celle-ci. De plus, au Parlement européen, elles ont pu créer un réseau de collègues qui continuent à se soutenir au-delà des séances.
Un vrai succès
La réintégration au travail d’Elena et des autres participantes a été un vrai succès. Depuis, d’autres groupes ont vu le jour et le suivant débutera en janvier 2020. Nous avons même été contactés par des collègues d’autres institutions européennes désireux de participer.
Je voudrais remercier tout particulièrement Elena et toutes les participantes de ces groupes, pour leur enthousiasme, leurs échanges, leur confiance et leur courage. Je voudrais remercier toutes celles qui sont Elena. »
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