Le témoignage de Santoecha Rangai : Une grossesse est-elle encore possible pour moi ?
Après le cancer du sein Témoignage28/07/2022 — Le diagnostic du cancer du sein est tombé alors que Santoecha était encore très jeune. Elle a immédiatement su que sa maladie aurait des conséquences sur son rêve d’être maman. Aujourd’hui, des années plus tard, son horloge biologique se rappelle à elle. Même si ses ovules ont été congelés, elle ne sait pas si son corps supporterait une grossesse.
« J’avais 26 ans quand le médecin m’a annoncé : “Mme Rangai, vous avez un cancer du sein.” Je me suis exclamée : “Mais je veux des enfants !” Je ne connaissais pas grand-chose au sujet du cancer et de ses traitements, mais je savais qu’il y avait un risque de stérilité. Après que j’ai exprimé mon désir d’être maman, l’hôpital m’a obtenu des rendez-vous à la clinique de la fertilité. Par chance, mon assurance maladie prenait entièrement en charge la congélation d’ovocytes depuis 2013.
Je me suis injecté des hormones durant trois semaines. On a ensuite prélevé huit ovules. J’ai expressément choisi de ne congeler que des ovules et de ne pas créer d’embryons : si ma relation venait à prendre fin, j’aurais toujours la possibilité de choisir un autre père pour mes enfants. Imaginez qu’après une rupture, vous ne puissiez plus supporter votre ancien compagnon alors qu’il reste le père de vos enfants… J’ai donc mis mes ovules et mon désir d’enfants au frigo. Je m’en occuperais plus tard : je devais d’abord vaincre le cancer. »
Séquelles et risque de rechute
« Huit années se sont écoulées depuis. Je ne sais pas si je serai un jour capable de dire à nouveau que je veux avoir des enfants. Les traitements m’ont laissé de nombreuses séquelles, dont certaines sont peut-être irréversibles. Il se peut que plusieurs de ces séquelles disparaissent, notamment après l’hormonothérapie de 10 ans. Il arrive, par exemple, que mes doigts se crispent, ce qui provoque une “main en griffe” qui m’empêche d’utiliser mes mains. Je souffrirai pour le restant de mes jours de lésions nerveuses au niveau des doigts et d’un lymphœdème* dans le bras. Je ne supporte pas l’idée de mettre un bébé au monde et de ne pas pouvoir m’en occuper, d’être dépendante de mon entourage. Et je n’ai pas les moyens d’engager une jeune fille au pair.
Ou pire encore : de mettre au monde un enfant qui devra peut-être grandir sans sa mère. Ma tumeur était, en effet, hormonosensible à hauteur de 90 % et il restait des cellules cancéreuses actives dans mon corps après la chimiothérapie, ce qui ne joue pas en ma faveur. J’ai bien évidemment dû suivre une radiothérapie, et j’en ai pour 10 ans d’hormonothérapie. Il reste pourtant toujours un infime risque que le cancer réapparaisse. Une grossesse augmente ce risque, et je ne pense pas être mentalement et physiquement capable de subir à nouveau des traitements contre le cancer. J’ai vraiment vécu un enfer. Pour être honnête, c’est la raison pour laquelle l’idée d’avoir un bébé m’effraie un peu. Je ne suis jamais tombée enceinte, mais j’imagine qu’une grossesse met aussi le corps à rude épreuve. Le mien n’a-t-il pas déjà assez souffert ces dernières années ? »
Horloge biologique
« Il n’est donc pas raisonnable d’essayer de tomber enceinte. Mais mon corps n’est pas du même avis. Depuis que j’ai passé la barre des 30 ans, j’ai l’impression que mon utérus me supplie de faire un enfant. Je pense que mon instinct primaire me fait savoir qu’il est temps de procréer. Peut-être pour qu’il reste une part de moi, s’il m’arrive quelque chose. J’ai donc commencé à écrire énormément pour laisser ma trace sur cette Terre. Comme le dit le proverbe : les paroles s’envolent, les écrits restent. Plus je vieillis, plus je me rends compte qu’être maman n’est pas une option pour moi, car l’horloge biologique tourne…
Mon désir de maternité fait partie des nombreuses choses que le cancer m’a enlevées. Je pense que si je n’avais pas eu le cancer, j’aurais eu des enfants. Du moins, le choix d’avoir ou non des enfants me serait entièrement revenu. Là, je dois prendre en compte tout un tas d’éléments, sans savoir ce que l’avenir me réserve. Mais comme on dit : avec l’âge vient la sagesse. J’ai compris qu’il n’était pas nécessaire de porter un enfant si on ressentait le besoin de pouponner ou d’être mère. Il y a tellement de bouts de chou qui attendent d’être placés en famille d’accueil ou adoptés. »
Écrit par Santoecha Rangai
* : Le lymphœdème se caractérise par l’accumulation de liquide lymphatique dans les tissus, ce qui peut provoquer un gonflement à divers endroits du corps. Cette affection peut être innée ou acquise. Dans ce dernier cas, le système lymphatique peut être touché à la suite d’une intervention chirurgicale, d’un traitement contre le cancer, d’un traumatisme ou d’une infection.
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