Bientôt un premier appareil d’autodépistage du cancer du sein : qu’en penser ?
Dépistage Chiffres et faits Centre d'expertise du cancer du sein28/04/2022 - Dans le courant de l’année 2022 sera commercialisé un petit appareil permettant de réaliser un dépistage à domicile rapide et indolore du cancer du sein. Le dispositif repose sur une technologie déjà connue dont l’utilité a pu être démontrée dans les pays du tiers-monde… mais qui n’a connu qu’un succès mitigé en Occident en raison d’une précision largement inférieure à celle des techniques d’imagerie modernes.
La jeune entreprise américaine EU LifeSciences se concentre sur l’identification précoce des cancers chez la femme au travers de systèmes d’autodépistage à domicile. Elle s’apprête ainsi à lancer en collaboration avec Siemens un premier dispositif destiné à l’examen des seins (1). Baptisé IBreastExam, l’appareil fonctionne sur piles et se compose d’une poignée et d’un coussinet équipé de senseurs. Il suffit pour l’utiliser de le déplacer à la surface des seins en appuyant légèrement tandis que les capteurs détectent les éventuelles différences dans la rigidité du tissu mammaire. Cette information est ensuite envoyée par le biais d’une connexion sans fil à une appli installée sur votre smartphone ou tablette, où elle sera convertie en une visualisation en 3D de la rigidité du tissu mammaire. Des différences à ce niveau peuvent trahir la présence de petites masses ou nodules du type de ceux que vous pourriez découvrir à la palpation… si ce n’est que les créateurs du dispositif affirment que celui-ci peut faire mieux que vos doigts. Les éventuelles anomalies s’affichent en rouge à l’écran. Il faut toutefois un peu d’entraînement pour apprendre à utiliser correctement l’IBreastExam. L’appareil n’est pas encore disponible, mais on s’attend à ce qu’il arrive sur le marché d’ici peu.
Utile dans le tiers-monde
En tout état de cause, l’IBreastExam a déjà démontré son intérêt dans les pays du tiers-monde où les femmes n’ont pas accès au dépistage mammographique, comme vient encore de le confirmer une étude publiée en avril 2022 et réalisée en 2019 à l’université Obafemi Awolowo au Nigéria. Dans ce cadre, 424 femmes présentant un risque accru de cancer du sein ont été examinées soit par un chirurgien expérimenté, soit par un infirmier formé à l’utilisation de l’IBreastExam (2). L’appareil a pu identifier davantage d’anomalies que le chirurgien, mais celui-ci était mieux à même de distinguer les lésions malignes de celles qui ne l’étaient pas. Malheureusement, le médecin et la machine « rataient » tous les deux les lésions de petites taille (moins de dan 2 cm). Les participantes ont aussi été soumises à un dépistage par échographie et mammographie, et les deux techniques étaient capables d’identifier significativement plus de cancers du sein que l’IBreastExam ou le chirurgien. Pour des pays comme le Nigéria, où l’accès à la mammographie de dépistage est limité, l’IBreastExam reste néanmoins un excellent outil pour dépister les anomalies du tissu mammaire. En plus, les infirmiers aussi peuvent apprendre à l’utiliser, ce qui représente évidemment un atout non négligeable dans les régions où il n’y a pas ou guère de médecins. Sa facilité d’emploi et son prix relativement modique sont des arguments supplémentaires en faveur de la mise à disposition de ce système dans les pays du tiers-monde, où les tumeurs mammaires ne sont souvent découvertes qu’à un stade beaucoup plus tardif que chez nous et où la survie est donc plus limitée. Au Nigéria, par exemple, 80 % des cancers du sein sont découverts au stade 3 ou 4 et la tumeur présente déjà au moment du diagnostic un diamètre moyen de plus de 10 centimètres.
Fausses alertes
L’IBreastExam deviendra aussi prochainement le premier appareil au monde destiné à l’autodépistage du cancer du sein. Sa précision n’est toutefois en aucun cas supérieure à celle de la mammographie et un résultat négatif ne sera jamais une garantie absolue, puisque les tumeurs de petite taille ont tendance à lui échapper. En outre, les fausses alertes sont fréquentes : sur 50 lésions potentiellement suspectes, cinq à peine s’avèreront finalement être des cancers. Ces fausses alertes sont évidemment une source d’anxiété considérable pour les intéressées, pour ne rien dire encore des examens inutiles qu’elles engendrent, et il n’est pas impossible que les femmes jeunes dont les seins contiennent beaucoup de tissu ganglionnaire y soient confrontées encore plus souvent avec ce système. L’IBreastExam présente néanmoins l’avantage d’être indolore et (encore) plus accessible que la mammographie, puisque l’appareil peut être utilisé à domicile.
Pink Ribbon encourage toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans à participer au dépistage mammographique organisé dans notre pays. Si vous présentez un risque accru, il peut aussi être souhaitable d’examiner avec votre médecin si une mammographie plus précoce est indiquée. Notre organisation estime que l’IBreastExam n’est pas une bonne alternative au dépistage du cancer du sein tel qu’il est organisé à l’heure actuelle.
Rédigé par Marleen Finoulst
(1)https://www.uelifesciences.com/
(2)Mango V, Olasehinde O, Omisore A et al. The iBreastExam versus clinical examination for breast evaluation in high risk and symptomatic Nigerian women: a prospective study. The Lancet Global 2022;10:E555-E563 (April 2022)
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