Sentiments partagés concernant le cancer du sein dans une relation
Diagnostic Après le cancer du sein Soins psychosociaux Chiffres et faits16/05/2022 - Un cancer du sein est souvent synonyme d’une période houleuse dans la vie du couple, ce qui n’est pas anormal ni forcément annonciateur d’un drame relationnel. Pour traverser l’épreuve, rien de tel qu’une bonne communication entre conjoints et avec les soignants, y compris autour de sujets encore un peu tabous comme l’intimité et la sexualité.
«Faire l’amour autrement ne veut pas forcément dire prendre moins de plaisir.» - Birgit Van hoorde, psychologue-sexologue UZ Gent
Un couple très uni en temps normal a moins de mal à affronter les périodes plus difficiles. « Néanmoins, il n’est pas du tout surprenant – et même plutôt logique – qu’un grand bouleversement comme un cancer du sein mette la relation sous pression », souligne Birgit Van hoorde, psychologue et sexologue au centre de sexologie et centre du genre de l’UZ Gent. « Heureusement, la plupart des couples parviennent à trouver un nouvel équilibre. Il arrive même que leur relation en sorte renforcée. » Ceci confirme les conclusions d’une étude à laquelle ont participé 282 couples (canadiens), dont les deux partenaires ont été interviewés séparément à plusieurs reprises jusqu’à un an après un diagnostic de cancer du sein : 42 % avaient l’impression que la maladie les avait rapprochés, l’un ou l’autre des conjoints ressentait une distance accrue dans 6 % des couples et ce sentiment d’éloignement était partagé dans moins de 1% des cas*.
« C’est également notre expérience : il est rare que le cancer du sein brise un couple », confirme Katrien Devalez consultante oncologique en gynécologie, qui a contribué il y a une vingtaine d’années à la création de la clinique du sein de l’UZ Gent. « Si rupture il y a, les partenaires admettent souvent après-coup que ses causes étaient déjà présentes avant le diagnostic. Néanmoins, tout ne se passe pas non plus sans heurts pour les couples qui tiennent. Ils seront nombreux à traverser une période difficile après l’annonce de la maladie – en partie parce que les deux partenaires encaissent et assimilent chacun les choses à leur façon et à leur rythme, mais aussi (et peut-être surtout) parce que les traitements peuvent perturber l’intimité et la sexualité. »
Éléments perturbateurs
« Je songe ici non seulement à l’impact majeur de l’opération du sein, mais aussi aux conséquences souvent beaucoup moins visibles des traitements de suivi, poursuit Katrien Devalez. Ainsi, le mamelon peut rester douloureux durant plusieurs années après une radiothérapie, rendant désagréables les caresses. La chimiothérapie, elle, peut non seulement affecter les sensations au cours des rapports de façon transitoire, mais aussi réduire la libido et la lubrification vaginale. Il en va de même pour les traitements hormonaux, qui doivent souvent être pris durant une dizaine d’années. Cela peut rendre les rapports moins agréables, mais aussi accroître légèrement le risque d’infections vaginales. »
« Les effets secondaires et complications physiques peuvent donc déjà entraver votre vie sexuelle, enchaîne Birgit Van hoorde. S’y ajoutent l’impact psychologique de l’ablation d’un sein, des cicatrices et de la perte des cheveux sur l’apparence physique, mais aussi les répercussions de vos ressentis – douleur, fatigue, incertitudes, honte, frustrations – sur votre partenaire, qu’il soit homme ou femme. Il est possible qu’il n’ose plus vous proposer de vous glisser sous la couette parce qu’il pense que vous n’en ressentez pas le besoin ou parce qu’il est gêné d’être excité par ce corps qui vous cause tant d’ennuis. Il peut donc arriver qu’il focalise encore plus sur son rôle de ‘soignant’ et garde pour lui ses émotions et ses inquiétudes. Et s’il garde ses distances, vous allez peut-être à votre tour vous imaginer qu’il ne vous trouve plus attirante. »
Surmonter sa gêne
En parler peut aider à sortir de la spirale négative de ces émotions ambivalentes, mais ce n’est pas toujours évident dans un contexte où la maladie a déjà bouleversé votre vie à tous les deux. Peut-être n’avez-vous pas non plus envie d’aborder ces questions intimes avec vos ami(e)s. Restent alors le médecin et l’infirmier spécialisé en oncologie, même si la gêne peut là aussi faire obstacle aux confidences ; lorsqu’ils abordent eux-mêmes la question, c’est d’ailleurs souvent un grand soulagement pour les patient(e)s. « Heureusement, ils le font beaucoup plus souvent qu’il y a quelques décennies, observe Katrien Devalez. Même pour les professionnels, la sexualité peut toutefois être un sujet délicat ; certains restent alors sur la réserve même s’ils sont prêts et capables de vous aider en fonction de leur propre expertise. N’hésitez donc pas à ouvrir le dialogue en tant que patient ou conjoint. De nombreux malades en parlent d’abord aux infirmiers, souvent au travers d’un problème concret comme la sécheresse vaginale. C’est l’occasion pour leur donner des conseils pratiques, mais aussi pour leur apporter un soutien plus large dans ce domaine par exemple en les référant au psychologue-sexologue, qu’ils solliciteront plus facilement après une discussion informelle avec nous alors qu’ils ne l’auraient pas forcément fait spontanément. »
Autrement, mais pas moins
« Quand les couples nous confient qu’ils ont du mal à faire l’amour, nous commençons par clarifier ce qu’ils veulent dire par là, relate Birgit Van hoorde. La notion de sexualité est encore souvent considérée comme des rapports sexuels débouchant sur l’orgasme ; pourtant, elle recouvre aussi l’assouvissement de nos besoins d’intimité et de plaisir par le biais de câlins, massages, baisers, caresses, etc. Nous conseillerons toujours aux couples de se concentrer pour commencer sur leur zone de confort. Prendre leur temps, réapprivoiser leur corps et avancer petit à petit. Faire l’amour autrement ne veut pas forcément dire prendre moins de plaisir. En plus, au-delà de la jouissance, les rapports sont aussi une source de complicité émotionnelle, de calme et d’apaisement, et ce à toutes les phases de la maladie – même
et peut-être même tout particulièrement au stade métastatique. Si votre libido est au point mort, explorez des moyens d’éveiller votre désir, par exemple par une relaxation préalable, une ambiance romantique ou en prenant votre temps. Un cancer du sein ne signifie pas automatiquement la fin de votre vie sexuelle. »
« Des jouets ou accessoires aussi peuvent être utiles, même si vous commencez par les tester seule, glisse Katrien Devalez. Une patiente m’a confié un jour que cela avait vraiment sauvé sa vie sexuelle : elle a redécouvert le plaisir de ces sensations et lui a redonné l’envie de faire l’amour avec son partenaire. Pour les célibataires aussi, ces jouets sont un excellent moyen de s’habituer à un corps qui change et de se détendre. »
« Nous voulons en effet aussi soutenir les célibataires, qui sont souvent confronté(e)s à une foule d’autres questions, enchaîne Birgit Van hoorde. Comment se lancer dans une nouvelle relation ? Quand confier à l’autre qu’elles ont (eu) un cancer du sein ? Quand se dévoiler, au sens propre comme au figuré ? Quid si la maladie ou ses suites les exposent au rejet ? Comment gérer tout cela ? À ces questions légitimes il n’existe pas de réponses toutes faites, car chaque cas est unique. Mais si vous vivez cette situation, parlez-en à un psychologue-sexologue qui pourra vous aider à trouver l’approche qui vous convient le mieux, personnellement. »
Texte rédigé par An Swerts
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